Destruction d’un monument funéraire, quelle juridiction saisir ?

Le Tribunal des conflits (2 juin 2025, n° 4344) s’est penché sur un litige concernant la destruction de monuments funéraires dans le cimetière de Saint-Laurent-sur-Saône (Ain), à la suite d’une erreur de la commune lors d’une procédure de reprise de concessions.

Le Tribunal administratif de Lyon s’étant déclaré incompétent au profit du Tribunal judiciaire de Lyon, le Tribunal des conflits a été saisi pour préciser la juridiction compétente.

Il a jugé que la juridiction administrative l’est pour connaître de la demande de réparation, au motif que la destruction, si elle a porté atteinte à la propriété des constructions funéraires, n’a pas causé l’extinction du droit réel immobilier des familles (ce qui aurait entraîné la compétence du juge judiciaire).

T. confl., 2 juin 2025, n° 4344

Contours du droit de se taire en droit administratif

Le Conseil d’Etat précise l’incidence d’un éventuel défaut d’information relatif au droit de se taire dans le domaine disciplinaire sur la légalité des sanctions prononcées (CE, 19 décembre 2024, n°490157)

Dans une décision du 8 décembre 2023 (Cons. const. 8 déc. 2023, n° 2023-1074 QPC), le Conseil constitutionnel avait dégagé le principe selon lequel le professionnel qui fait l’objet de poursuites disciplinaires ne peut être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans être préalablement informé du droit qu’il a de se taire, en application de l’article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Dans le cas où un agent sanctionné n’a pas été informé du droit de se taire, cette irrégularité n’est susceptible d’entraîner l’annulation de la sanction prononcée que lorsque, eu égard à la teneur des déclarations de l’agent public et aux autres éléments fondant la sanction, il ressort des pièces du dossier que la sanction infligée repose de manière déterminante sur des propos tenus alors que l’intéressé n’avait pas été informé de ce droit.

CE, 19 décembre 2024, n°490157

Héritier et contestation de permis de construire

La seule qualité d’héritier ne suffit pas à donner intérêt à agir à l’encontre une autorisation d’urbanisme (CE, 20 décembre 2024, n°489830)

Les dispositions de l’article L.600-1-2 du code de l’urbanisme prévoient que la contestation d’une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol est ouverte aux personnes physiques ou morales qui justifient de leur qualité d’occupant régulier ou de propriétaire d’un bien immobilier, dont les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance sont de nature à être directement affectées par le projet. Ces dernières peuvent avoir la qualité d’usufruitier ou de nu-propriétaire.

Toutefois, le Conseil d’Etat précise que l’héritier de la personne usufruitière du bien immobilier, dont les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance seraient directement affectées par le projet de construction, ne dispose pas d’un intérêt à agir suffisant à l’encontre d’un arrêté délivrant un permis de construire.

 

CE, 20 décembre 2024, n°489830

Personne publique et copropriété privée

Le juge judiciaire est compétent pour connaître des dommages provenant de l’aménagement ou de l’entretien de biens appartenant à une personne publique situés dans un immeuble soumis au régime de la copropriété (T. confl., 7 octobre 2024, n°4319)

Le Tribunal des conflits précise que les biens appartenant à une personne publique dans un immeuble soumis au régime de la copropriété n’appartiennent pas au domaine public.

En effet, ils ne peuvent donc être regardés comme constituant un ouvrage public et ce, même s’ils sont affectés au besoin du service public ou à l’usage du public. Il en est de même pour les dommages qui trouveraient leur source dans l’aménagement ou l’entretien de ces locaux ne sont pas des dommages de travaux publics.

Ces derniers relèvent donc de la compétence du juge judiciaire.

 

T. confl. 7 octobre 2024, C4319, Publié au recueil Lebon

DUP et arrêté de cessibilité

Par un arrêt du 14 juin 2024 (n° 475559), le Conseil d’Etat estime que le juge administratif ne peut surseoir à statuer en vue de la régularisation d’un vice, invoqué par voie d’exception, affectant la DUP sur le fondement de laquelle a été pris l’arrêté litigieux lorsqu’il est saisi de la contestation d’un arrêté de cessibilité

Le Conseil d’Etat rappelle que lorsque le juge administratif est saisi de conclusions dirigées contre un acte déclarant d’utilité publique et urgents des travaux et qu’il estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la modification de cet acte est susceptible d’être régularisée, il peut surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Il doit cependant avoir invité les parties à présenter leurs observations au préalable.

Mais le Conseil d’Etat précise que tel n’est pas le cas lorsqu’un vice, affectant l’acte déclaratif d’utilité publique sur le fondement duquel cet arrêté de cessibilité, est invoqué par voie d’exception, à l’appui de conclusions dirigées contre un arrêté de cessibilité.

Dans cette hypothèse, un tel vice est insusceptible d’être régularisé dans le cadre du recours dirigé contre l’arrêté de cessibilité.


(CE, 14 juin 2024, n°475559)

Désormais, le cachet de la poste fait foi

Jusqu’à présent, un recours contentieux adressé à la juridiction administrative par voie postale devait être parvenu à cette dernière avant la fin du délai de recours.

Par sa décision en date du 13 mai 2024, le Conseil d’État a opéré un revirement de jurisprudence. En effet, il a posé le principe selon lequel il suffira, désormais, que le recours contentieux soit posté avant l’expiration du délai de recours.

Cette décision permet d’harmoniser les règles pour les citoyens en cas de saisine de l’administration ou d’une juridiction administrative.

(CE, 13 mai 2024, n°466541, publié au recueil Lebon)

Permis de construire : pas de régularisation en cas de fraude

Le juge administratif ne peut faire application des dispositions des articles L.600-5 et L.600-5-1 du code de l’urbanisme si l’autorisation a été obtenue par fraude (CE, 11 mars 2024, n°464257)

Le code de l’urbanisme prévoit la possibilité pour le juge administratif, d’une part, s’il est saisi d’un recours en annulation en ce sens, de procéder à l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme et de prévoir sa régularisation (article L. 600-5 du code de l’urbanisme), et, d’autre part, il peut également surseoir à statuer et engager la régularisation de l’autorisation litigieuse en cours d’instance (article L.600-5-1 du code de l’urbanisme).

Toutefois, dans son arrêt en date du 11 mars 2024, le Conseil d’État précise que le juge administratif ne peut pas engager, sur le fondement des dispositions précitées, la régularisation d’une autorisation d’urbanisme lorsque celle-ci a été obtenue par fraude.

(CE, 11 mars 2024, n°464257)

Autorisation environnementale office du juge

Le juge ne peut pas simultanément prononcer un sursis à statuer en vue de la régularisation du vice d’une autorisation environnementale et limiter la portée ou les effets de l’annulation (CE, 8 mars 2024, n°463249)

Le Conseil d’État pose le principe, en application des dispositions de l’article L.181-18 du code de l’environnement que le juge de l’autorisation environnementale peut, lorsqu’il constate que les autres moyens dont il est saisi ne sont pas fondés, d’une part, surseoir à statuer pour permettre la régularisation devant lui de l’autorisation environnementale attaquée lorsque le ou les vices dont elle est entachée sont susceptibles d’être régularisés par une décision modificative, ou, d’autre part, limiter la portée ou les effets de l’annulation qu’il prononce si le ou les vices qu’il retient n’affectent qu’une partie de la décision ou une phase seulement de sa procédure d’instruction.

Ces deux possibilités ne sont pas cumulatives mais alternatives.

(CE, 8 mars 2024, n°463249)

Précisions sur la régularisation des autorisations d’urbanisme

Le Conseil d’État apporte des précisions sur l’office du juge administratif lorsqu’il met en œuvre les article L.600-5 et L.600-5-1 du code de l’urbanisme (CE, 11 mars 2024, n°463413)

Le Conseil d’État pose le principe selon lequel un vice entachant le bien-fondé d’une autorisation d’urbanisme est susceptible d’être régularisé dans les conditions qu’elles prévoient, même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même.

Le Conseil d’État a donc jugé que la cour administrative d’appel de Paris avait commis une erreur de droit en fondant son appréciation sur le seul projet existant, sans tenir compte de la possibilité pour le pétitionnaire de faire évoluer celui-ci et d’en revoir, le cas échéant, l’économie générale sans en changer la nature, la cour a commis une erreur de droit.

(CE, 11 mars 2024, n°463413)

Impartialité de la juridiction administrative

Le Conseil d’Etat conserve une interprétation souple de l’impartialité du juge.

Il estime que qu’il ne résulte d’aucun texte ni d’aucun principe général du droit que la composition d’une formation de jugement statuant définitivement sur un litige doive être distincte de celle ayant décidé, dans le cadre de ce même litige, de surseoir à statuer par une décision avant dire droit dans l’attente d’une mesure de régularisation en application des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

 

(CE, 17 janvier 2024, n°462638, mentionné aux Tables du Recueil Lebon)

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