Indemnisation du candidat évincé d’un marché

Le juge administratif précise les modalités d’indemnisation du candidat évincé en cas d’irrégularité de la procédure de passation (CE, 24 avril 2024, n°472038)

Lorsqu’il est établi que la procédure de passation est irrégulière et si les chances sérieuses de l’entreprise d’emporter le contrat sont établies, le juge administratif doit vérifier qu’il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l’indemnisation.

Dans cette hypothèse, l’appréciation du caractère certain du préjudice invoqué par un candidat à une procédure irrégulière de passation d’un contrat de concession doit prendre en compte les risques d’exploitation ainsi que l’aléa qui affecte les résultats de cette exploitation et de la durée de celle-ci.

Toutefois, lorsque le contrat est par la suite résilié par la personne publique, le Conseil d’État précise qu’il y a lieu, pour apprécier l’existence d’un préjudice directement causé par l’irrégularité et en évaluer le montant, de tenir compte des motifs et des effets de cette résiliation, afin de déterminer quels auraient été les droits à indemnisation du concurrent évincé si le contrat avait été conclu avec lui et si sa résiliation avait été prononcée pour les mêmes motifs que celle du contrat irrégulièrement conclu.

(CE, 24 avril 2024, n°472038, publié au recueil Lebon)

Bail commercial : compétence du juge administratif

Le juge administratif est compétent pour connaitre de l’action en indemnisation de dommages de travaux publics et ce même lorsqu’il existe un bail commercial entre la personne publique, pour le compte de laquelle sont effectués les travaux, et la victime de ces dommages (Civ 3ème, 14 mars 2024, n°22-24.222)

Si l’ordre juridictionnel judiciaire est compétent pour connaître d’une action en indemnisation formée par le preneur d’un local donné à bail commercial par une personne publique, la cour de cassation précise que le juge administratif est seul compétent pour connaître de l’action en indemnisation de dommages de travaux publics.

La compétence de l’ordre juridictionnel administratif vaut également dans l’hypothèse où il existe un bail commercial entre la personne publique, pour le compte de laquelle sont effectués les travaux, et la victime de ces dommages.

(Civ 3ème, 14 mars 2024, n°22-24.222, publié au bulletin)

Passation de marché et information confidentielle divulguée

Le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu d’exclure de la procédure de passation une société qui a obtenu des informations confidentielles susceptibles de lui donner un avantage indu en raison d’un dysfonctionnement informatique majeur de la plateforme de dématérialisation, juge le Conseil d’Etat dans un arrêt du 2 février 2024 (CE, 2 février 2024, n°489820, publié au recueil Lebon)

En l’espèce, le Syndicat des Eaux d’Ile-de-France (SEDIF) avait engagé une procédure de mise en concurrence en vue de l’attribution d’un contrat de concession portant sur le renouvellement de la délégation du service public de l’eau potable.

Des fichiers concernant l’offre de la société Suez Eau France et identifiables comme tels avaient été mis à la disposition de la société Veolia en raison d’un dysfonctionnement informatique majeur dû à une erreur de programmation de la plateforme utilisée par le pouvoir adjudicateur.

Ce dernier avait alors été averti par la société avant la poursuite de la procédure de négociation et le dépôt de son offre finale.

Dans ces circonstances particulières, le Conseil d’Etat a donc jugé que le pouvoir adjudicateur n’était pas tenu d’exclure de la procédure de passation une société qui a obtenu des informations confidentielles susceptibles de lui donner un avantage indu en raison d’un dysfonctionnement informatique majeur de la plateforme de dématérialisation dès lors qu’il en a informé le pouvoir adjudicateur.

CE, 2 février 2024, n°489820, publié au recueil Lebon

Possibilités de modification du prix ou des tarifs des contrats de la commande publique et aux conditions d’application de la théorie de l’imprévision

Le Conseil d’Etat a rendu, le 15 septembre dernier, un avis relatif aux possibilités de modification du prix ou des tarifs des contrats de la commande publique et aux conditions d’application de la théorie de l’imprévision dans un contexte de forte inflation économique.

Le Conseil d’Etat estime que ni le code de la commande publique ni les normes européennes n’interdisent une modification des clauses financières ainsi que de la durée du contrat des contrats de la commande publique.

En présence de circonstances imprévues, une telle modification est autorisée dans trois situations :

  • lorsque l’augmentation des dépenses exposées par l’opérateur économique ou la diminution de ses recettes imputables à ces circonstances nouvelles ont dépassé les limites ayant pu raisonnablement être envisagées par les parties lors de la passation du contrat ;
  • lorsqu’elle doit être directement imputable aux circonstances imprévisibles et ne peut excéder ce qui est nécessaire pour y répondre ;
  • un même contrat peut faire l’objet d’autant de modifications, d’un montant maximal de 50 % chacune, qu’il y a d’événements imprévisibles distincts dont le déficit d’exploitation est la conséquence directe.

En tout état de cause, l’autorité contractante doit s’attacher au respect des principes généraux d’égalité devant les charges publiques, de bon usage des deniers publics et d’interdiction des libéralités.

Avis n°405540 rendu par le Conseil d’Etat le 15 septembre 2020

Le délit de favoritisme n’exige pas que la personne poursuivie soit intervenue dans la procédure d’attribution d’une commande publique

Une délégation de service public de la restauration scolaire d’une commune avait été attribuée à une société. Une association, candidate au renouvellement, avait alors déposé plainte en dénonçant le comportement d’une des employées de la collectivité, l’accusant d’avoir favorisé la société attributaire du contrat. Elle soutenait que l’employée avait aidé cette dernière dans la phase de candidature, en lui conseillant de baisser le prix proposé à la collectivité.

La Cour de cassation a considéré que l’employée communale disposait de « compétences et d’informations privilégiées ayant permis de procurer à la société et à son dirigeant un avantage injustifié de nature à porter atteinte au principe de liberté d’accès et d’égalité des candidats dans les marchés publics et les contrats de concession ». Dans ces conditions, la Cour de cassation a jugé que le délit de favoritisme, qui est défini à l’article 432-14 du code pénal, n’exige pas que la personne poursuivie soit intervenue, en fait ou en droit, dans la procédure d’attribution d’une commande publique.

(Cour de cassation Chambre criminelle, 7 septembre 2022, n°21-83.121)

Litige né d’un contrat d’assainissement d’eaux usées : compétence judiciaire

Une convention portant sur le traitement des matières de vidange issues des installations d’assainissement non collectif avait été conclue entre un commerçant et une collectivité publique. Reprochant de nombreux manquements à son cocontractant, la collectivité l’avait ensuite résiliée et avait émis un titre exécutoire, afin que ce dernier règle les opérations d’investigation et de curage rendues nécessaires.

Le Tribunal administratif de Lille avait alors renvoyé au Tribunal des conflits le soin de décider de la compétence juridictionnelle.

Par un arrêt du 11 avril 2022 (n° 4240), le Tribunal des Conflits juge que le contrat, liant les parties, présente le caractère d’un contrat de droit privé.

En conséquence, eu égard aux rapports de droit privé nés de ce dernier, les litiges relatifs aux rapports entre ce service et ses usagers relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire.

 

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COVID 19 et marchés publics

Les contrats publics, au sens large, sont impactés par les conséquences de l’épidémie de COVID 19.

L’ordonnance 2020-319 prévoit que les délais de passation sont prorogés. Elle prévoit également des possibilités de prorogation de durée et de délai d’exécution, de règlement des avances…

Pour les difficultés d’exécution des marchés, le recours aux pénalités contractuelles est extrêmement réduit. Il y a également des règles dérogatoires en cas d’impossibilité d’exécution du contrat, en cas d’annulation ou de résiliation, de suspension du marché à prix forfaitaire. L’ordonnance contient également des dispositions applicables aux concessions.

Lire l'ordonnance sur le site Légifrance

Retrait d’une compétence d’un EPCI et contrats en cours

Par un arrêt du 7 novembre 2019 (req. n° 431146), le Conseil d’Etat a précisé les conséquences du retrait d’une compétence transférée à un établissement public de coopération intercommunale pour les contrats passés par l’établissement.

Il a affirmé que les communes membres de ce syndicat, qui ont retrouvé leur compétence, se trouvent de plein droit subsituées à l’EPCI pour l’ensemble des contrats en cours.

Lire la décision sur le site Légifrance

Notion de différend entre une personne publique et le titulaire du marché

Les CCAG (ici le CCAG fournitures courantes et de service) font partir de la date de la naissance d’un différend entre un acheteur public et le titulaire du marché des délais stricts pour engager des réclamations.

Pour préserver la sécurité juridique des parties au contrat, le Conseil d’Etat juge qu’il ne peut y avoir apparition d’un différend au sens de ces dispositions qu’à la suite d’une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de l’acheteur et faisant apparaître un désaccord.

Ainsi, le simple fait pour l’acheteur de ne pas avoir acquitté une facture ou d’avoir signifié oralement un désaccord ne fait en principe pas naître un différend, et ne fait donc pas courir les délais de contestation prévus aux CCAG (CE, 22 novembre 2019, Etablissement Paris La Défense, n° 417752).

Lire la décision sur le site Légifrance

La transaction est un document administratif communicable

Un protocole transactionnel passé avec une personne publique est un document administratif.

A ce titre, il est communicable aux tiers qui en font la demande. Simplement, cette communication peut être différée dans le temps : lorsqu’il vise à éteindre un litige devant le juge administratif, cette communication ne peut avoir lieu qu’après la fin de l’instance (Conseil d’Etat, 18 mars 2019, n° 403465).

Lire la décision sur le site Légifrance
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