Possibilités de modification du prix ou des tarifs des contrats de la commande publique et aux conditions d’application de la théorie de l’imprévision

Le Conseil d’Etat a rendu, le 15 septembre dernier, un avis relatif aux possibilités de modification du prix ou des tarifs des contrats de la commande publique et aux conditions d’application de la théorie de l’imprévision dans un contexte de forte inflation économique.

Le Conseil d’Etat estime que ni le code de la commande publique ni les normes européennes n’interdisent une modification des clauses financières ainsi que de la durée du contrat des contrats de la commande publique.

En présence de circonstances imprévues, une telle modification est autorisée dans trois situations :

  • lorsque l’augmentation des dépenses exposées par l’opérateur économique ou la diminution de ses recettes imputables à ces circonstances nouvelles ont dépassé les limites ayant pu raisonnablement être envisagées par les parties lors de la passation du contrat ;
  • lorsqu’elle doit être directement imputable aux circonstances imprévisibles et ne peut excéder ce qui est nécessaire pour y répondre ;
  • un même contrat peut faire l’objet d’autant de modifications, d’un montant maximal de 50 % chacune, qu’il y a d’événements imprévisibles distincts dont le déficit d’exploitation est la conséquence directe.

En tout état de cause, l’autorité contractante doit s’attacher au respect des principes généraux d’égalité devant les charges publiques, de bon usage des deniers publics et d’interdiction des libéralités.

Avis n°405540 rendu par le Conseil d’Etat le 15 septembre 2020

Le délit de favoritisme n’exige pas que la personne poursuivie soit intervenue dans la procédure d’attribution d’une commande publique

Une délégation de service public de la restauration scolaire d’une commune avait été attribuée à une société. Une association, candidate au renouvellement, avait alors déposé plainte en dénonçant le comportement d’une des employées de la collectivité, l’accusant d’avoir favorisé la société attributaire du contrat. Elle soutenait que l’employée avait aidé cette dernière dans la phase de candidature, en lui conseillant de baisser le prix proposé à la collectivité.

La Cour de cassation a considéré que l’employée communale disposait de « compétences et d’informations privilégiées ayant permis de procurer à la société et à son dirigeant un avantage injustifié de nature à porter atteinte au principe de liberté d’accès et d’égalité des candidats dans les marchés publics et les contrats de concession ». Dans ces conditions, la Cour de cassation a jugé que le délit de favoritisme, qui est défini à l’article 432-14 du code pénal, n’exige pas que la personne poursuivie soit intervenue, en fait ou en droit, dans la procédure d’attribution d’une commande publique.

(Cour de cassation Chambre criminelle, 7 septembre 2022, n°21-83.121)

Litige né d’un contrat d’assainissement d’eaux usées : compétence judiciaire

Une convention portant sur le traitement des matières de vidange issues des installations d’assainissement non collectif avait été conclue entre un commerçant et une collectivité publique. Reprochant de nombreux manquements à son cocontractant, la collectivité l’avait ensuite résiliée et avait émis un titre exécutoire, afin que ce dernier règle les opérations d’investigation et de curage rendues nécessaires.

Le Tribunal administratif de Lille avait alors renvoyé au Tribunal des conflits le soin de décider de la compétence juridictionnelle.

Par un arrêt du 11 avril 2022 (n° 4240), le Tribunal des Conflits juge que le contrat, liant les parties, présente le caractère d’un contrat de droit privé.

En conséquence, eu égard aux rapports de droit privé nés de ce dernier, les litiges relatifs aux rapports entre ce service et ses usagers relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire.

 

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COVID 19 et marchés publics

Les contrats publics, au sens large, sont impactés par les conséquences de l’épidémie de COVID 19.

L’ordonnance 2020-319 prévoit que les délais de passation sont prorogés. Elle prévoit également des possibilités de prorogation de durée et de délai d’exécution, de règlement des avances…

Pour les difficultés d’exécution des marchés, le recours aux pénalités contractuelles est extrêmement réduit. Il y a également des règles dérogatoires en cas d’impossibilité d’exécution du contrat, en cas d’annulation ou de résiliation, de suspension du marché à prix forfaitaire. L’ordonnance contient également des dispositions applicables aux concessions.

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Retrait d’une compétence d’un EPCI et contrats en cours

Par un arrêt du 7 novembre 2019 (req. n° 431146), le Conseil d’Etat a précisé les conséquences du retrait d’une compétence transférée à un établissement public de coopération intercommunale pour les contrats passés par l’établissement.

Il a affirmé que les communes membres de ce syndicat, qui ont retrouvé leur compétence, se trouvent de plein droit subsituées à l’EPCI pour l’ensemble des contrats en cours.

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Notion de différend entre une personne publique et le titulaire du marché

Les CCAG (ici le CCAG fournitures courantes et de service) font partir de la date de la naissance d’un différend entre un acheteur public et le titulaire du marché des délais stricts pour engager des réclamations.

Pour préserver la sécurité juridique des parties au contrat, le Conseil d’Etat juge qu’il ne peut y avoir apparition d’un différend au sens de ces dispositions qu’à la suite d’une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de l’acheteur et faisant apparaître un désaccord.

Ainsi, le simple fait pour l’acheteur de ne pas avoir acquitté une facture ou d’avoir signifié oralement un désaccord ne fait en principe pas naître un différend, et ne fait donc pas courir les délais de contestation prévus aux CCAG (CE, 22 novembre 2019, Etablissement Paris La Défense, n° 417752).

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La transaction est un document administratif communicable

Un protocole transactionnel passé avec une personne publique est un document administratif.

A ce titre, il est communicable aux tiers qui en font la demande. Simplement, cette communication peut être différée dans le temps : lorsqu’il vise à éteindre un litige devant le juge administratif, cette communication ne peut avoir lieu qu’après la fin de l’instance (Conseil d’Etat, 18 mars 2019, n° 403465).

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Réception sans réserve et appel en garantie

Par un arrêt société Solios Environnement du 6 février 2019 (n° 414064), le Conseil d’Etat précise les conditions dans lesquelles le maître d’ouvrage peut être appelé en garantie des dommages causés aux tiers par des désordres affectant un ouvrage public.

Si le constructeur est mis en cause par la victime, celui-ci peut demander à être garanti en totalité par le maître d’ouvrage dès lors que la réception des travaux a été prononcée sans réserve et si le constructeur ne peut pas être poursuivi au titre de la garantie de parfait achèvement ou de la garantie décennale.

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Effets du décompte général devenu définitif sur la responsabilité du maître d’œuvre

Le Conseil d’Etat a jugé que «  si le maître d’ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif de ce décompte fait obstacle à ce qu’il puisse obtenir l’indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, y compris lorsque ce préjudice résulte de désordres apparus postérieurement à l’établissement du décompte  » (19 novembre 2018, n° 408203).
Une fois le décompte général devenu définitif, le maître d’ouvrage ne peut rechercher la responsabilité du maître d’œuvre que sur le terrain de la garantie de parfait achèvement ou sur celui de la garantie décennale, si les désordres sont d’une gravité suffisante pour le permettre.

DSP : interdiction d’apporter des modifications substantielles par voie d’avenant

Par un arrêt du 9 mars 2018, Compagnie des parcs et passeurs du Mont-Saint-Michel (req. n° 409972), le Conseil d’Etat justifie l’interdiction de toutes modifications substantielles des contrats de délégation de service public par voie d’avenant en raison de la soumission de ces contrats « aux principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique ».

Le Conseil d’Etat affirme que « pour assurer le respect de ces principes, les parties à une convention de délégation de service public ne peuvent, par simple avenant, apporter des modifications substantielles au contrat en introduisant des conditions qui, si elles avaient figuré dans la procédure de passation initiale, auraient pu conduire à admettre d’autres candidats ou à retenir une autre offre que celle de l’attributaire ; qu’ils ne peuvent notamment ni modifier l’objet de la délégation ni faire évoluer de façon substantielle l’équilibre économique du contrat, tel qu’il résulte de ses éléments essentiels, comme la durée, le volume des investissements ou les tarifs ».

Dans la situation d’espèce, l’avenant est jugé irrégulier car la hausse des tarifs, allant de 30 à 50 % par rapport aux tarifs initiaux, représente une modification substantielle du contrat.

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