Héritier et contestation de permis de construire

La seule qualité d’héritier ne suffit pas à donner intérêt à agir à l’encontre une autorisation d’urbanisme (CE, 20 décembre 2024, n°489830)

Les dispositions de l’article L.600-1-2 du code de l’urbanisme prévoient que la contestation d’une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol est ouverte aux personnes physiques ou morales qui justifient de leur qualité d’occupant régulier ou de propriétaire d’un bien immobilier, dont les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance sont de nature à être directement affectées par le projet. Ces dernières peuvent avoir la qualité d’usufruitier ou de nu-propriétaire.

Toutefois, le Conseil d’Etat précise que l’héritier de la personne usufruitière du bien immobilier, dont les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance seraient directement affectées par le projet de construction, ne dispose pas d’un intérêt à agir suffisant à l’encontre d’un arrêté délivrant un permis de construire.

 

CE, 20 décembre 2024, n°489830

Permis de construire et OAP : quel rapport ?

En l’espèce, le tribunal administratif de Lyon avait jugé le projet n’était pas compatible avec l’OAP et avait, en conséquence, partiellement annulé le permis de construire.

Par un arrêt du 18 novembre 2024 (n°489066), le Conseil d’État a annulé ce jugement en considérant que le tribunal aurait dû, pour estimer que le permis n’était pas compatible avec l’OAP, rechercher si les effets de ce projet devaient être regardés comme suffisants pour contrarier, par eux-mêmes, les objectifs de l’orientation d’aménagement et de programmation à l’échelle de la zone à laquelle cette orientation se rapportait.

Le Conseil d’Etat a donc précisé que la compatibilité entre une autorisation d’urbanisme et une OAP s’apprécie en procédant à une analyse globale des effets du projet sur l’objectif ou les différents objectifs d’une orientation d’aménagement et de programmation, à l’échelle de la zone à laquelle ils se rapportent.

 

CE 18 nov. 2024, Société Alliade Habitat, n° 489066

Permis de construire : pas de régularisation en cas de fraude

Le juge administratif ne peut faire application des dispositions des articles L.600-5 et L.600-5-1 du code de l’urbanisme si l’autorisation a été obtenue par fraude (CE, 11 mars 2024, n°464257)

Le code de l’urbanisme prévoit la possibilité pour le juge administratif, d’une part, s’il est saisi d’un recours en annulation en ce sens, de procéder à l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme et de prévoir sa régularisation (article L. 600-5 du code de l’urbanisme), et, d’autre part, il peut également surseoir à statuer et engager la régularisation de l’autorisation litigieuse en cours d’instance (article L.600-5-1 du code de l’urbanisme).

Toutefois, dans son arrêt en date du 11 mars 2024, le Conseil d’État précise que le juge administratif ne peut pas engager, sur le fondement des dispositions précitées, la régularisation d’une autorisation d’urbanisme lorsque celle-ci a été obtenue par fraude.

(CE, 11 mars 2024, n°464257)

Précisions sur la régularisation des autorisations d’urbanisme

Le Conseil d’État apporte des précisions sur l’office du juge administratif lorsqu’il met en œuvre les article L.600-5 et L.600-5-1 du code de l’urbanisme (CE, 11 mars 2024, n°463413)

Le Conseil d’État pose le principe selon lequel un vice entachant le bien-fondé d’une autorisation d’urbanisme est susceptible d’être régularisé dans les conditions qu’elles prévoient, même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même.

Le Conseil d’État a donc jugé que la cour administrative d’appel de Paris avait commis une erreur de droit en fondant son appréciation sur le seul projet existant, sans tenir compte de la possibilité pour le pétitionnaire de faire évoluer celui-ci et d’en revoir, le cas échéant, l’économie générale sans en changer la nature, la cour a commis une erreur de droit.

(CE, 11 mars 2024, n°463413)

Impartialité de la juridiction administrative

Le Conseil d’Etat conserve une interprétation souple de l’impartialité du juge.

Il estime que qu’il ne résulte d’aucun texte ni d’aucun principe général du droit que la composition d’une formation de jugement statuant définitivement sur un litige doive être distincte de celle ayant décidé, dans le cadre de ce même litige, de surseoir à statuer par une décision avant dire droit dans l’attente d’une mesure de régularisation en application des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

 

(CE, 17 janvier 2024, n°462638, mentionné aux Tables du Recueil Lebon)

Pièces complémentaires et permis de construire tacite

L’auteur d’une demande de permis de construire peut apporter, pendant la phase d’instruction de sa demande et avant l’intervention d’une décision expresse ou tacite, des modifications à son projet qui n’en changent pas la nature.

Les pièces nouvelles sont alors intégrées à son dossier afin que la décision finale porte sur le projet modifié.

En conséquence, dans un arrêt du 1er décembre 2023 (n° 448905), le Conseil d’Etat estime que le pétitionnaire qui dépose spontanément des pièces complémentaires qui ne changent pas la nature de son projet, est en mesure, de se prévaloir d’un permis de construire tacite à l’issue du délai initialement notifié par l’autorité compétente.

 

(CE, 1er décembre 2023, n°448905)

Autorisations environnementales : notification

Depuis le 1er janvier 2024, les requérants doivent notifier leurs recours contre une autorisation environnementale auprès des auteurs et des bénéficiaires de la décision dans un délai de 15 jours.

Les articles R. 181-50 et R. 181-51 du Code de l’environnement sont ainsi modifiés et précisent les conditions dans lesquelles cette double notification devra être réalisée.

D’une part, cette obligation, relative aux recours administratifs et contentieux, est relative à la contestation d’une autorisation environnementale, à celle d’un arrêté fixant une ou plusieurs prescriptions complémentaires ou à une demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant une telle autorisation ou un tel arrêté. Les décisions refusant de retirer ou d’abroger une autorisation environnementale ou un arrêté complémentaire sont également concernées.

D’autre part, la notification doit être effectuée par lettre recommandée avec avis de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter de la date d’envoi du recours administratif ou du dépôt du recours contentieux auprès de la juridiction.

 

Décret n°2023-1103 du 27 novembre 2023 relatif à la notification des recours en matière d’autorisations environnementales

Succession de requêtes en référé-suspension

Le maire d’une commune avait pris un arrêté interruptif de travaux sur le fondement des dispositions de l’article L. 480-2 du code de l’urbanisme.

Le Conseil d’Etat (CE, 22 septembre 2023, req. n°472210) rappelle que la circonstance que le juge des référés ait rejeté une première demande de suspension, présentée sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, ne fait pas obstacle à ce que le même requérant saisisse ce juge d’une nouvelle demande ayant le même objet, notamment en soulevant des moyens ou en faisant valoir des éléments nouveaux, alors même qu’ils auraient pu lui être soumis dès sa première saisine.

C’est un élément souvent méconnu du référé suspension, qui permet des procédures successives.

Cependant, cela a une influence sur le rôle du jugement de cassation. En effet, le Conseil d’Etat précise que lorsque le requérant fait usage de cette faculté et se pourvoit également en cassation contre la première ordonnance ayant rejeté sa demande, l’intervention, postérieurement à l’introduction de ce pourvoi, d’une nouvelle ordonnance rejetant la nouvelle demande rend sans objet les conclusions dirigées contre la première ordonnance, alors même que la seconde n’est pas devenue définitive.

 

CE, 22 septembre 2023, req. n°472210

Démolition d’un ouvrage public mal planté : pas de prescription

Les requérants avaient demandé à la société Enedis de procéder à la dépose d’un pylône implanté sur leur terrain et de leur verser une somme de 60 000 euros en réparation des préjudices qu’ils estimaient avoir subis. Face au refus de la société, ils avaient saisi le juge administratif.

Au soutien de son pourvoi en cassation, la société Enedis opposait une exception de prescription trentenaire en invoquant des dispositions du code civil.

Dans son arrêt du 27 septembre 2023 (req. n°466321), le Conseil d’Etat précise que, compte tenu des spécificités de l’action en démolition d’un ouvrage public empiétant irrégulièrement sur une propriété privée, aucune disposition ni aucun principe prévoyant un délai de prescription ne sont applicables à une telle action. Un tel moyen était donc inopérant.

Le propriétaire peut donc toujours agir et demander la démolition.

 

CE, 27 septembre 2023, req. n°466321

Permis de construire : demande de pièces et délai d’instruction

Le Conseil d’Etat (CE, 9 décembre 2022, req. n°454521, publié au recueil Lebon) précise que lorsque le service instructeur demande des pièces complémentaires qui ne seraient pas exigées par le code de l’urbanisme, cette demande ne peut pas légalement proroger le délai d’instruction de la demande d’autorisation d’urbanisme.

Dans l’hypothèse où l’autorité administrative considèrerait, à tort, que le délai d’instruction recommence à courir à compter du dépôt des pièces complémentaires illégalement demandées, le refus sera considéré comme tardif si sa réponse intervient postérieurement à la date limite d’instruction initialement prévue.

L’administration pourra cependant toujours procéder au retrait de l’autorisation tacite mais encore faut-il celle-ci soit entachée d’illégalité, que le retrait intervienne dans les trois mois et qu’une procédure contradictoire soit respectée.

 

CE, Section, 9 décembre 2022, req. n°454521, Publié au recueil Lebon

1 2 3