Le Conseil constitutionnel censure partiellement la loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement

La proposition de loi avait été définitivement adoptée le 15 octobre 2025.

Le texte a ensuite été déféré au Conseil constitutionnel par les députés requérants qui contestaient la conformité à la Constitution de plusieurs dispositions du texte, notamment les articles 23 et 26. Le Conseil a rendu sa décision le 20 novembre 2025 (Décision n°2025-896 DC).

A cet égard, le 4° du paragraphe I de l’article 26, qui complète l’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme, a été censuré en ce qu’il subordonnait la recevabilité des recours formés contre la décision d’approbation d’un document d’urbanisme ou de son évolution à la condition d’avoir pris part à la participation du public.

Sur ce point, le Conseil constitutionnel a relevé que cette disposition portait une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif au regard de l’article 16 de la DDHC.

D’autres dispositions ont également été censurées. Ces dernières ont été assimilées à des cavaliers législatifs en raison de l’absence de lien entre l’objet de l’amendement et celui de l’une au moins des dispositions du texte initial.

La loi n°2025-1129 du 26 novembre 2025 de simplification du droit de l’urbanisme a été publiée au Journal Officiel du 27 novembre 2025.

Décision n°2025-896 DC du 20 novembre 2025

JL Avocats : la Cour administrative d’appel de Versailles confirme la légalité d’une mesure de démolition d’un immeuble, situé en centre-ville

Par un arrêt très récent (lien vers le communiqué de la Cour), la cour administrative d’appel de Versailles a jugé que la démolition litigieuse d’un immeuble était pleinement justifiée en raison du risque imminent d’effondrement, conformément à la position défendue par le cabinet JL Avocats.

Contexte

A la suite de l’apparition de fissures inquiétantes en 2017  sur un immeuble situé en centre-ville de la commune de Triel sur Seine, le maire de la commune avait déclaré l’état de péril imminent.

Conformément aux conclusions de l’expert mandaté, il avait alors ordonné aux propriétaires de procéder à l’étayement de l’ensemble de l’immeuble. Mais, les désordres précités s’étaient aggravés, notamment avec l’apparition de fissures témoignant d’un basculement de l’immeuble.

Après avoir constaté que les propriétaires n’avaient pas entrepris les travaux supplémentaires qui étaient nécessaires, le maire a, en application de ses pouvoirs de police générale, fait procéder d’office à la démolition de l’immeuble au regard de l’extrême urgence de la situation créant un péril grave et imminent.

 

Position défendue par le cabinet

Aux côtés de la commune, le Cabinet a saisi en appel la Cour administrative d’appel de Versailles d’un jugement du tribunal administratif qui avait estimé irrégulière la démolition, afin que les magistrats constatent que :

  • le maire de la commune n’avait commis aucune faute en ordonnant la démolition immédiate de l’immeuble ;
  • le maire de la commune pouvait ordonner cette démolition sur le fondement des pouvoirs de police générale (articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales) en raison d’une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent.

 

Décision de la Cour

La Cour administrative d’appel a suivi cette analyse et a jugé que :

  • les propriétaires de l’immeuble avaient fait preuve d’inaction et de mutisme des propriétaires ;
  • les informations techniques, dont disposait la commune, faisaient état d’une aggravation des désordres, conduisant à un risque « imminent» d’effondrement du bâtiment sur la voie publique, alors qu’un étayage avait déjà été mis en place et que son remplacement présentait des risques ;
  • la décision de démolition prise par le maire de la ville était donc justifiée par des motifs impérieux de sécurité publique.

Principaux apports de la loi n°2025-1129 du 26 novembre 2025 de simplification du droit de l’urbanisme et du logement

La loi du 26 novembre 2025 a profondément modifié le droit de l’urbanisme, sans forcément le simplifier.

Voici les principales modifications.

2.1 L’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme

S’agissant des projets de réfection et de surélévation des constructions (article 9 de la loi) :

  • Création d’un article L.111-35 du code de l’urbanisme : « Lorsqu’une construction régulièrement édifiée fait l’objet d’une demande d’autorisation d’urbanisme concernant des travaux de surélévation ou de transformation limitée d’un immeuble existant, l’autorisation d’urbanisme ne peut être refusée sur le seul fondement de la non-conformité de la construction initiale aux règles applicables en matière d’implantation, d’emprise au sol et d’aspect extérieur des constructions. »
  • Modification de l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme qui permet à l’autorité compétente pour délivrer un permis de construire d’autoriser des dérogations au règlement du PLU pour :
  • Ne plus réserver cette possibilité aux zones tendues ;
  • Etendre cette possibilité aux projets de surélévation d’une construction achevée depuis plus de deux ans, lorsque la surélévation a pour objet la création de logements ou un agrandissement de la surface du logement.

 

S’agissant de la création de nouvelles possibilités de dérogation aux règles du PLU (articles 9 et 20) :

  • Pour autoriser des projets de réalisation de logements ou d’équipements publics dans le périmètre des zones d’activités économiques (ZAE) (dérogation aux règles relatives aux destinataires fixées par le PLU ; dérogations aux règles relatives à l’emprise au sol, au retrait, au gabarit, à la hauteur et à l’aspect extérieur des bâtiments ainsi qu’aux obligations en matière de stationnement) ;
  • Pour permettre la réalisation d’opérations de logements destinées spécifiquement à l’usage des étudiants dans les zones urbaines ou à urbaniser ;
  • Pour autoriser le changement de destination des bâtiments à destination d’exploitation agricole ou forestière en dérogeant aux règles relatives aux destinations fixées par le PLU ;
  • Pour autoriser des dérogations aux règles du règlement du PLU en matière de réalisation de stationnement pour les véhicules motorisés pour les opérations prévoyant la création d’au plus 10 logements.

 

S’agissant de la cristallisation des règles d’urbanisme (article 23) :

  • Création d’un mécanisme de cristallisation des règles en vigueur au jour de la délivrance du permis de construire ou d’aménager initial aux articles L. 431-6 et L. 441-5 du code de l’urbanisme :
  • Si les travaux autorisés par le permis initial ne sont pas achevés, une demande de permis modifiant un permis initial en cours de validité ne peut pas, pendant une période de trois ans à compter de la date de délivrance du permis initial, être refusée ou assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues après la délivrance du permis initial.
  • Par dérogation au premier alinéa, la demande peut être refusée ou assortie de prescriptions spéciales si les dispositions d’urbanisme intervenues après la délivrance du permis initial ont pour objet de préserver la sécurité ou la salubrité publiques.

Disposition jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel (DC 2025-896 du 20 novembre 2025)

 

S’agissant de la généralisation du permis d’aménager (article 22) :

  • Création d’un article L. 442-1-3 du code de l’urbanisme : « Par dérogation à l’article L. 442-1, un permis d’aménager concernant un lotissement peut porter sur des unités foncières non contiguës si le projet répond à l’ensemble des critères suivants : 1° La demande est déposée par un demandeur unique ; 2° Le projet constitue un ensemble unique et cohérent ; 3° Le projet garantit l’unité architecturale et paysagère des sites concernés. »

 

2.2 Les sanctions à l’encontre des constructions irrégulières

 

S’agissant du renforcement des pouvoirs de l’autorité compétente en matière de constructions irrégulières au titre de l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme (article 26) :

  • Création d’une amende administrative : l’autorité compétente peut désormais ordonner le paiement d’une amende d’un montant maximal de 30.000 €.
  • Augmentation du montant des astreintes : le montant maximal de l’astreinte journalière est porté à 1.000 € (500 € auparavant) et le montant total maximal des sommes résultant de l’astreinte est porté à 100.000 € (25.000 € auparavant).

 

2.3 Le contentieux des autorisations d’urbanisme

 

S’agissant de la modification du délai des recours administratifs et leurs effets (article 26) :

  • Création d’un article L. 600-12-2 du code de l’urbanisme : « Le délai d’introduction d’un recours gracieux ou d’un recours hiérarchique à l’encontre d’une décision relative à une autorisation d’urbanisme est d’un mois. Le silence gardé pendant plus de deux mois sur ce recours par l’autorité compétente vaut décision de rejet.

Le délai de recours contentieux contre une décision mentionnée au premier alinéa n‘est pas prorogé par l’exercice d’un recours gracieux ou d’un recours hiérarchique. »

 

Application immédiate de la disposition

Disposition jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel (DC 2025-896 du 20 novembre 2025)

 

S’agissant de la cristallisation des motifs de refus (article 26) :

  • Article L. 600-2 du code de l’urbanisme est complété par un nouvel alinéa qui prévoit : « Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation à l’encontre d’une décision régie par le présent code et refusant l’occupation ou l’utilisation du sol ou d’une demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant cette décision, l’auteur de cette dernière ne peut plus invoquer de motifs de refus nouveaux après l’expiration d’un délai de deux mois à compter de l’enregistrement du recours ou de la demande. »

 

Applicable aux recours en annulation ou aux demandes tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle qui ont été enregistrés au greffe de la juridiction après la publication de la loi

 

S’agissant de l’abrogation de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme (article 26) :

  • Article L. 600-1 prévoyait : «L’illégalité pour vice de forme ou de procédure d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan local d’urbanisme, d’une carte communale ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d’exception, après l’expiration d’un délai de six mois à compter de la prise d’effet du document en cause.

Les dispositions de l’alinéa précédent sont également applicables à l’acte prescrivant l’élaboration ou la révision d’un document d’urbanisme ou créant une zone d’aménagement concerté.

Les deux alinéas précédents ne sont pas applicables lorsque le vice de forme concerne :

-soit la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l’enquête publique sur les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d’urbanisme et les cartes communales ;

-soit l’absence du rapport de présentation ou des documents graphiques. »

 

 S’agissant de l’instauration d’une présomption d’urgence dans le cadre des référés suspension à l’encontre des décisions de refus (article 26) :

  • Introduction d’un nouvel article L. 600-3-1 du code de l’urbanisme : « Lorsqu’un recours formé contre une décision d’opposition à déclaration préalable ou de refus de permis de construire, d’aménager ou de démolir est assorti d’un référé introduit sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la condition d’urgence est présumée satisfaite. »

 

Applicable aux référés introduits après la publication de la loi